Le roman s’ouvre sur la solitude du père et des deux fils, terrassés après les trois longues années de lutte acharnée de la « moman » pour vaincre la maladie. En vain. Un père présent, qui fait de son mieux pour ses deux gars. Et la vie reprend peu à peu son cours, rythmée par les matchs de foot le dimanche, les « vaisselles vite bâclées en trois coups », les vacances au camping de Grevenmacher sur les bords de la Moselle. Le père ? C’est un terrien qui se joue des grands mots. Sa vie ? c’est le Parti (socialiste) dont il demeure, contre vents et marées et surtout lorsque le bateau coule, l’un des piliers les plus actifs. Il travaille à la SNCF comme cheminot où il entretient les caténaires. Un job prenant où il faut être « bien dans sa tête ». L’aîné, Frédéric appelé Fus depuis presque toujours, veille comme une mère sur Gilou, son frère cadet. Entre eux, vibre une belle entente cordiale qui se passe de mots, Fus temporisant, encourageant, épargnant le maximum de peine et de tracas à son frangin. Mais, imperceptiblement, Fus change, perd son meilleur ami Jérémy le jeune gars du Parti, en rencontre d’autres. Différents. Et tout va de mal en pis jusqu’au jour où les mots sont posés « j’avais honte. Désormais, on allait devoir vivre avec ça, c’était ce qui me gênait le plus… on était dans un sacré chantier. » (p. 62) La guerre est bientôt déclarée faite de fractures, d’’incompréhensions et d’épais silences jusqu’à un certain soir où …
Premier roman empreint d’une très grande sensibilité qui relate, avec finesse et justesse, la relation compliquée d’un père, seul, face à un ado qui se perd. L’écriture s’accorde au quotidien : simple, parfois familière, toujours vraie. L’émotion demeure à fleur de pages et le lecteur est touché au plus profond. Ô combien, nous aimerions secouer l’un, faire bouger l’autre avant qu’il ne soit trop tard. La magie de l’émotion suscitée est, à elle seule, une totale réussite. Un auteur à suivre…
Lauréat du Prix Femina des Lycéens
Extrait :
« J’avais finalement compris… que toutes nos vies malgré leur incroyable linéarité de façade, n’étaient qu’accidents, hasards, croisements et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de riens, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde ou taulards. « J’ai été là « au bon moment » voilà ce que bien des gens comblés pouvaient confesser. » (p. 171)
Proposé par Caroline (Médiathèque Paul-Valéry de Gargenville)