S’adapter
Clara Dupont-Monod
Éditions Stock – Août 2021
« Nous les pierres rousses de la cour qui faisons ce récit, nous nous sommes attachées aux enfants. C’est eux que nous souhaitons raconter. Enchâssées dans le mur, nous surplombons leurs vies. » (p.12). Le ton est donné, à vous, amis lecteurs, de vous laisser embarquer !
Nous sommes dans les Cévennes et plus précisément dans un petit hameau où il fait bon vivre, où la nature omniprésente enchante le quotidien. Une famille, unie, y réside et le bonheur est chaque jour au rendez-vous.... Au sein de la maisonnée, un enfant est attendu. Ce sera le petit dernier, un nouvel être à aimer, choyer et dorloter. Tout devrait être parfait mais, face à la joie des ainés, l’inertie du dernier. Au fil des mois, il n’est plus permis de douter, l’enfant est singulier, il ne semble pas réagir, la tête dodeline, le petit corps est mou. Il est différent et cela les effraie. La différence les condamne. La différence les emmure dans une réclusion et solitude choisies et subis. On essaie de garder espoir et de relativiser, le temps fera son œuvre mais « le temps ne répare rien, au contraire, il creuse et ranime les douleurs chaque fois un peu plus intense. » (p.64). Devant le cataclysme qui s’est abattu sur la famille, les pierres compatissent et vont nous narrer comment chacun des enfants vivra et s’adaptera au handicap de l’enfant.
L’aîné prend sur lui l’affliction du petit, le portant, le couvant, telle une mère aimante inlassablement. « L’aîné rejoint ses êtres qui portent en leur cœur un instant arrêté, suspendu pour toujours. » (p.63). La cadette s’opposera sans cesse, se cognant sans fin, criant sa révolte contre le destin. « L’enfant a pris la joie de ses parents, transformé son enfance et confisqué son frère aîné. » (p.74). Et puis les pierres rapporteront celui qui vient après. Après la peine et les tourments. Celui qui portera en lui le poids du souvenir, de la renaissance car « il était à la fois une fracture et une promesse. » (127) …
Très beau texte tout à la fois puissant, poétique et pudique. Narrer le handicap, les traumatismes familiaux qui en découlent sans tomber dans le pathos était un défi que Clara Dupont-Monod a relevé avec force et grâce.
L’écriture est subtile, « racée » et indubitablement éclairée. L’exquise délicatesse de cœur et le souci de vérité qui habitent le roman en font, à mon avis, une des perles de la Rentrée.
* Prix FEMINA 2021
* Prix Landerneau 2021
* Prix Goncourt des lycéens 2021
Caroline Sabre, Médiathèque Paul Valéry, Gargenville